Regarder au-delà de la souffrance

Il y a sept ans, j’ai découvert une petite boule de la taille d’un pois, dans mon sein droit et on m’a annoncé ce diagnostic redouté : cancer.

Et cela fait maintenant trois ans que ce cancer est passé en phase terminale.

Parce que je ne m’attendais pas à vivre plus d’un an après le diagnostic, je suis extrêmement reconnaissante pour ce temps supplémentaire qui m’est accordé sur cette terre. C’est une réponse à ma prière. Mais je suis aussi épuisée par ce long combat éprouvant, et j’aspire à rentrer à la maison, auprès de Jésus. Face à la mort qui approche, ces années de sursis me coûtent toujours davantage.

Ce long combat contre le cancer m’a fait réfléchir aux souffrances interminables que j’ai traversées dans ma vingtaine et ma trentaine : le célibat, la maladie chronique, la dépression récurrente. Parmi de nombreuses épreuves plus courtes, ce sont les afflictions prolongées qui ont  mis en lumière les recoins les plus sombres de mon cœur — des endroits qui seraient restés cachés si la douleur avait été abrégée. C’est vrai : plus nous portons un fardeau longtemps, plus il peut paraître lourd. Dans The Memory of Old Jack, Wendell Berry décrit parfaitement cette expérience :

 « C’est comme un homme accablé qui marche, un homme qui porte un lourd ballot ou un tonneau, et qui l’a porté trop loin sans pouvoir trouver le bon endroit pour le déposer. Autrefois, il aurait pu porter une charge deux fois plus lourde. Aujourd’hui, la moitié est déjà trop lourde. » 1

Chère lectrice, portez-vous un lourd fardeau que vous ne pouvez pas encore déposer ? Êtes-vous fatiguées, faut-il porter trop loin cette charge trop lourde ? Peut-être vous êtes-vous posé la même question que moi : Comment continuer à avancer ? Comment garder un cœur tendre et rempli d’espérance quand je suis tentée de céder à la lassitude, au désespoir ou à l’amertume ?

Il n’y a pas de réponse simple à cette question de la souffrance, n’est-ce pas ? La souffrance est complexe, et l’expérience de chacune est unique. Je reviens sans cesse à deux vérités inébranlables :

J’ai besoin de contempler la beauté de Jésus à travers sa Parole, et j’ai besoin de la communauté des saints, vivants et disparus.

Ces fardeaux que nous portons pendant si longtemps vont soit permettre une expérience unique avec Christ… soit nous écraser. Ils vont soit ouvrir nos cœurs aux réalités éternelles… soit les endurcir. Ce que nous choisissons de faire dans nos moments où on a l’impression que cette charge est trop lourde et que nous devons la porter trop loin déterminera en grande partie l’issue.

Ces fardeaux que nous portons pendant si longtemps vont soit permettre une expérience unique avec Christ… soit nous écraser.

Quand nous contemplons Jésus et que nous marchons aux côtés de son peuple, nos fardeaux commencent à produire des merveilles en nous et pour tous ceux que nos vies touchent. La douleur peut même s’intensifier, nos difficultés se multiplier, nous pouvons nous sentir plus faibles et plus détruites que jamais… mais à l’intérieur nous ressentirons la paix, la joie, l’espérance et l’amour. Nous vivrons alors dans la plénitude, et l’abondance alors que nous n’aurions jamais pu penser que ce serait possible. (voir 2 Corinthiens 4.16)

Regardez à Jésus

J’aime l’exemple de Samuel Rutherford, qui savait contempler la beauté de Jésus au milieu de la souffrance. Rutherford était un pasteur écossais du XVIIᵉ siècle. Il a perdu sa femme et sept de ses neuf enfants, et il a été exilé à cause de sa foi. Pourtant, il écrivait des lettres pour encourager ceux qui souffraient, en particulier « les cœurs découragés » . Il les exhortait à « regarder vers Jésus, à contempler son amour ; et quand ils le regardent, je voudrais qu’ils le regardent encore et encore, et qu’ils se rassasient en contemplant la  eauté de Christ. » 2

C’est un écho aux paroles du psalmiste David qui — alors que ses ennemis le traquaient pour le tuer — disait :

 « Je demande à l’Éternel une chose,

que je désire ardemment :

habiter toute ma vie dans la maison de l’Éternel,

pour contempler la beauté de l’Éternel

et admirer son temple. » (Psaume 27.4)

Même s’il est toujours poursuivi par Saül, David a écrit un de mes versets bibliques préférés : « Quand on tourne vers lui les regards, on est rayonnant de joie, et le visag  ne rougit pas de honte. » (Psaume 34.6, S21).

Pouvez-vous imaginer être pourchassées par un groupe d’assassins et pourtant être capables de dire : « Tout ce que je veux, c’est voir la beauté de Dieu et refléter sa joie »  ?!

Ce désir a traversé les âges, porté par d’innombrables disciples de Jésus et compagnons d’infortune. John Flavel et J. I. Packer ont vécu à différentes époques, mais ils se sont unis dans le même chant lorsqu’ils ont écrit :

 « Oh, si seulement nous prenions l’habitude de réaliser ce saint exercice spirituel, combien il rendrait nos vies douces, combien il allégerait nos fardeaux ! Remplissez vos cœurs de ses pensées et de ses voies. » 3

C’est lorsque nous voyons les choses ainsi que nous apprenons vraiment, à vivre et à parler comme Paul le fait [dans 2 Corinthiens 4.17-18] : fixer nos regards, et de les fixer intensément, sur ce qui est invisible et pour l’instant impossible à voir… c’est le meilleur moyen qu’il ait trouvé pour garder nos pensées et nos cœurs de chrétiennes orientés dans la bonne direction — c’est-à-dire vers l’avant. Ainsi, notre espérance peut remplir notre horizon et, en combattant notre faiblesse par l’attachement à notre source de force, nous pouvons continuer à avancer avec espérance, jusqu’au jour où nous arriverons au port. Ce sera bien sûr la chose la plus heureuse qu’on puisse imaginer. 4

Alors, comment passer à la pratique ? Comment pouvons-nous « regarder à Jésus » aujourd’hui, même lorsqu’on est au milieu de notre douleur ?

En plus de passer du temps chaque jour avec Jésus dans sa Parole, voici quelques habitudes que j’ai trouvées utiles pour garder mon regard fixé sur lui tout au long de la journée :

  1. Je mets un minuteur de cinq minutes et je médite sur la grandeur de Dieu.

    J’essaie de me représenter les réalités éternelles (voyez les versets indiqués plus bas) et je demande à Dieu de m’aider à mieux comprendre sa grandeur. Quand ma vision de Dieu grandit, ma souffrance rapetisse.
  2. J’apprends des versets par cœur et je les récite

    Je ne suis ni douée ni très régulière pour mémoriser, mais je persévère, doucement, et cela m’a aidée à retourner bien des moments sombres et désespérés.
  3. Je lis et j’écoute des personnes qui me rappellent la grandeur de Dieu.

    Les écrits des croyants des siècles passés, les prédications de pasteurs remplis de l’Esprit, la musique d’adoration composée par des musiciens amoureux de Jésus, ainsi que des amis et conseillers sages m’offrent des aperçus du visage de Dieu que je n’aurais pas trouvé seule.
  4. Je me rappelle de comment Dieu a déjà été fidèle envers moi dans le passé, et je reste attentive à ses bontés aujourd’hui.

    En faisant cela, je le remercie pour sa bonté, j’en parle autour de moi, et je l’écris.
     

Si le temps que je mets à part tous les jours pour rencontrer Christ dans sa Parole renforce ma vie chrétienne sur le long terme, ces petites pratiques réorientent mon regard vers le ciel tout au long de la journée. J’y consacre souvent les moments d’attente ou de pause : dans la file pour aller chercher les enfants à l’école, dans le cabinet du médecin ou au milieu de la nuit quand je n’arrive pas à dormir. Amy Carmichael a écrit : 

Remplissez les creux du temps avec ce qui compte le plus. Cela vous coûtera quelque chose, mais cela en vaut la peine. « Cherchez ma face. » Mon cœur a dit : « Seigneur, je chercherai ta face. » 5

Malgré mon penchant à gaspiller mes « moments creux » , à me fixer sur moi-même et sur ma situation, j’ai découvert que même la lutte, la discipline, pour détourner mes yeux de moi pour les fixer sur Dieu transforme des moments insupportables en instants de beauté. Apprendre à fixer mon regard sur lui m’aide à voir ma douleur pour ce qu’elle est : une invitation à connaître Christ davantage — lui qui est l’Amour et la Vie même, lui qui est tout ce dont j’ai besoin.

Je souhaite vous laisser avec plusieurs passages des Écritures pour vous aider à contempler Jésus toujours davantage.

  • Philippiens 2.5–11
  • Ésaïe 53
  • Apocalypse 1.12– 18 ; 4.2 – 11 ; 19.1–16
  • Daniel 7.9–14
  • Ézéchiel 16.4– 14 ; 1.22 – 28
  • Psaume 29
  • Psaume 18

Qu’il fortifie votre cœur souffrant pendant que vous contemplez sa beauté aujourd’hui.

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1 Wendell Berry, The Memory of Old Jack (Berkeley, CA : Read How you Want, 2010), 226.

2 Samuel Rutherford and Ellen S. Lister, The Loveliness of Christ: Extracts from the Letters of Samuel Rutherford (Edinburgh: Banner of Truth Trust, 2007), 87.

3 John Flavel, The Mystery of Providence (Zeeland, MI: Reformed Church Publications, 2017), 226.

4 J. I. PACKER, Weakness Is the Way: Life with Christ Our Strength (Wheaton, IL: Crossway, 2018), 106.

5 Amy Carmichael, Candles in the Dark: Letters of Hope and Encouragement (Fort Washington, PA: CLC Publications, 2012), 19.

À propos de l'auteur

Colleen Chao

Colleen Chao écrit sur la bonté de Dieu dans son voyage à travers le célibat, la dépression, la maladie chronique et le cancer. Elle est l’auteur de In the Hands of a Fiercely Tender God : 31 Days of Hope, … En savoir plus …